une luciole dans la nuit mammographie

La mammographie : le pilier essentiel du dépistage organisé du cancer du sein en France depuis 20 ans

Depuis deux décennies, le dépistage organisé du cancer du sein en France permet à des millions de femmes de bénéficier d’un suivi régulier et essentiel pour prévenir cette maladie. Selon les derniers chiffres de l’Institut National du Cancer, en 2023 environ 60 000 nouveaux cas de cancer du sein sont détectés en France, et ce cancer reste la première cause de mortalité par cancer chez la femme. Seulement 47% des femmes participent au dépistage organisé alors que le cancer du sein peut être guéri dans 9 cas sur 10 s’il est détecté tôt. Quels sont les enjeux liés à la mammographie outil central du dépistage organisé du cancer du sein en France. Entretien avec Jean-Charles Leclerc, médecin radiologue, secrétaire général de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR).

10,8 millions de femmes de 50 à 74 ans étaient éligibles au programme de dépistage organisé des cancers du sein en 2022-2023.
Pourtant, seulement 46,5 % des femmes y participent pour la période 2022-2023, contre 47,76 % pour la période 2021-2022.
Après avoir augmenté jusqu’en 2010-2011, ce programme a vu son taux de participation baisser depuis 10 ans pour toutes les tranches d’âge et dans toutes les régions.
Sur la période 2019-2020, le taux de cancers dépistés pour 1 000 femmes dans le cadre du dépistage organisé est de 7,8. (Source INCa)

Jean-Charles Leclerc est médecin radiologue, et Secrétaire général de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (FNMR). Il milite pour encourager les femmes à participer au dépistage organisé du cancer du sein. Le dépistage par la mammographie reste la meilleure arme contre ce cancer. Il rappelle combien le dépistage organisé est encadré et gage de qualité.

Un dépistage encadré pour garantir la sécurité des patientes

Les mammographies pratiquées dans le cadre du dépistage organisé sont effectuées dans des centres agréés très encadrés, avec des normes de formation et de contrôle très strictes. Les radiologues et manipulateurs de ces centres en charge de ces examens doivent suivre des formations obligatoires dispensées par FORCOMED, une association dédiée à l’amélioration des compétences dans ce domaine. « Le dépistage organisé n’est pas fait n’importe comment, tout est mis en place pour garantir la qualité du diagnostic et assurer une prise en charge optimale », souligne-t-il.
En effet, le protocole impose des contrôles quotidiens et semestriels (internes et externes) pour garantir la qualité des images et des équipements. Avant chaque journée de travail, un manipulateur doit réaliser des tests techniques afin de s’assurer que la qualité des radiographies soit optimale. Ce souci du détail va jusqu’à vérifier l’éclairage et la qualité des écrans utilisés pour interpréter les images, des aspects cruciaux pour détecter les plus petites anomalies comme les micro-calcifications. Le centre est également contrôlé deux fois par an par une société indépendante qui va venir sur place pour vérifier les caractéristiques du mammographe et s’assurer qu’il n’y ait pas de dérive dans la qualité des images.

Comment se déroule une mammographie dans le cadre du dépistage organisé ?

Le processus débute par une invitation envoyée (tous les deux ans) à toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans, les incitant à prendre rendez-vous dans un centre agréé, public ou privé. La liste des centres agréés du département de résidence de la patiente est indiquée sur l’invitation. Il est tout à fait possible d’effectuer le dépistage dans un centre agréé en dehors de son département de résidence. Une carte interactive et annuaires de France des centres agréés avec leurs coordonnées est disponible à cet effet sur le site de la FNMR.

Ces examens sont entièrement pris en charge par l’Assurance maladie.

Une fois sur place, la patiente est prise en charge par un manipulateur qui lui pose quelques questions sur ses antécédents familiaux et personnels. Ce temps d’échange est essentiel pour rassurer la femme et personnaliser l’examen, surtout en cas de risques particuliers (antécédents familiaux notamment).
L’examen en lui-même consiste à réaliser quatre radiographies, deux par sein, sous différents angles, de face et de ¾ . Les images obtenues sont ensuite interprétées par le radiologue, qui compare également les nouvelles images aux mammographies antérieures, si elles sont disponibles. « Il est demandé à la patiente de se rendre à l’examen avec ses anciens clichés. Les anciennes mammographies permettent de faire une analyse en miroir qui peuvent parfois permettre de détecter des petites anomalies. » souligne Jean-Charles Leclerc.
Un examen clinique de palpation complète systématiquement l’examen pour détecter des anomalies qui pourraient passer inaperçues sur les images radiographiques.

Le dépistage organisé, un protocole doublement sécurisé

L’une des particularités du dépistage organisé est la deuxième lecture des mammographies. Après la première analyse effectuée par le radiologue, les images sont envoyées au Centre Régional de Coordination des Dépistages des Cancers pour une seconde interprétation par un radiologue expert. Cette étape supplémentaire permet d’assurer une double vérification, une sécurité supplémentaire pour les patientes.
Si une anomalie est détectée, une échographie est réalisée immédiatement après la mammographie. Ce deuxième examen*, réalisé par le même professionnel, permet de mieux caractériser d’éventuelles anomalies. Selon les résultats de ces examens, la mammographie est classée selon l’échelle ACR (American College of Radiology) qui permet de déterminer si des examens complémentaires, comme une biopsie, sont nécessaires.

Les freins au dépistage : des peurs à déconstruire

En France, seulement 47 % des femmes participent au dépistage organisé, un taux encore insuffisant selon Jean-Charles Leclerc. « Beaucoup de femmes n’y participent pas par peur : la peur des rayons X, la peur de la douleur, ou encore la peur des résultats et des traitements », déclare-t-il. 
Ces craintes sont pourtant infondées. Le médecin insiste sur le fait que la dose de rayons X utilisée lors d’une mammographie est très faible et ne présente aucun risque pour la santé et bien moins que lors d’une exposition sur la plage au soleil. Quant à la douleur, bien que l’examen puisse être inconfortable, il a considérablement évolué au fil des années. « Ce n’est pas agréable, mais c’est une douleur qui reste acceptable », assure Jean-Charles Leclerc.
Il complète : « 10 à 15% des femmes organisent individuellement leur suivi régulier et ne rentrent pas dans le protocole du dépistage organisé. Elles sont souvent résidentes des grandes villes. C’est dommage, d’abord car c’est un examen 100% pris en charge par la CPAM, de plus elles ne bénéficient pas de la double lecture. »

Le dépistage organisé du cancer du sein : une chance pour toutes

Le dépistage organisé du cancer du sein permet de détecter précocement des anomalies, souvent avant même que des symptômes n’apparaissent. Cette prise en charge rapide augmente considérablement les chances de guérison.
La mammographie, inscrite au cœur du dépistage organisé depuis 20 ans, reste l’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre le cancer du sein. En France, les campagnes de sensibilisation et de dépistage ont déjà sauvé de nombreuses vies, et il est essentiel que chaque femme éligible participe à ce programme. Bien que l’examen puisse être inconfortable, il reste un geste essentiel de prévention pour protéger sa santé.

Si vous avez entre 50 et 74 ans, n’attendez pas, prenez rendez-vous pour votre mammographie et encouragez les femmes autour de vous à faire de même.

Si vous n’êtes pas dans la tranche d’âge indiquée, prenez soin de vos seins et consultez un professionnel de santé une fois par an pour une palpation mammaire.

Ensemble, faisons reculer le cancer du sein !

Jean-Charles LECLERC est radiologue à Saint-Dizier (département de la Haute-Marne, région Grand Est), Secrétaire général de la Fédération Nationale des Médecins Radiologues, Secrétaire de l’Union Régionale, Président de la commission de labellisation LABELIX, Président de FORCOMED.

* L’échographie n’est pas remboursée à 100%. Elle est remboursée à 70% par la CPAM pour un acte réalisé en secteur 1.