Robert est atteint d’un cancer du poumon avancé de stade 4*. Après 3 ans et demi de traitements et récidives, il participe depuis quelques semaines à l’essai d’une nouvelle molécule d’immunothérapie mise au point par un laboratoire danois . Cet essai thérapeutique se déroule dans le département de l’innovation thérapeutique et des essais précoces DITEP de l’institut Gustave Roussy. Témoignage.
Un diagnostic qui bouleverse tous les plans
14 décembre 2019 : Robert a 59 ans, vit en région parisienne et pense terminer paisiblement sa carrière dans la fonction publique. Il aime la moto, la randonnée et les voyages. Il est très actif, sportif, et non-fumeur.
15 décembre 2019 : la vie de Robert bascule. Tout commence par une quinte de toux, des traces de sang alors qu’il attend le RER.
16 janvier 2020 : le diagnostic tombe : cancer bronchique non à petites cellules de stade 4*. Le cancer de Robert, métastatique, non détectable est trop avancé pour bénéficier d’une opération. Cette nouvelle secoue Robert et sa famille, les plongeant dans un monde inconnu fait d’incertitudes et d’angoisses.
Les traitements conventionnels : entre espoir et déception
Le parcours de Robert débute par un traitement d’immunothérapie en première ligne. Dans un premier temps, il répond de façon exceptionnelle au traitement. Il est contraint d’arrêter son travail un an. Placé en congé pour maladie grave par son employeur, il reprend à mi-temps thérapeutique en 2021, pour finalement réintégrer son poste au ministère de l’intérieur à temps complet en 2022. Une victoire pour Robert !
En décembre 2022 : Il subit une récidive. L’immunothérapie ne fonctionne plus. Des métastases apparaissent dans la chaîne ganglionnaire, les surrénales et le foie. Il bénéficie alors d’une chimiothérapie lourde. Le traitement dure trois mois, il est difficile, marqué par des effets secondaires pénibles et laisse Robert très affaibli. Cependant, les examens fin mars après quatre cures montrent une réponse métabolique totale : plus de traces visibles de la maladie. Toutefois, la toxicité de cette chimiothérapie est telle que ce protocole ne peut être prolongé. Le traitement se poursuit donc avec une chimiothérapie moins toxique associée à l’immunothérapie.
Entre temps, il a été contraint de prendre sa retraite. « C’est un peu la double peine » reconnait-il « mais en même temps, il me fallait choisir et je devais me concentrer uniquement sur mon combat contre la maladie ».
Après trois mois de répit, il est confronté à une nouvelle récidive début juillet. Son oncologue lui propose de continuer la chimiothérapie en espérant qu’une certaine stabilité puisse s’installer. « J’ai refusé, je voyais bien que mon oncologue, un praticien formidable, n’avait plus de traitement sur étagère à me proposer. Mais je ne voulais pas revivre l’expérience de la chimio lourde qui avait été trop dure et m’avait mise à plat. Et je voyais mal la chimio de maintenance*** prendre le relais. »
Bien s’informer pour mieux lutter contre la maladie et être ouvert aux opportunités
Robert est curieux de nature, il aime comprendre les choses. Aussi, dès le départ il s’est beaucoup informé sur sa maladie, lectures, témoignages, échanges avec des patients atteints de la même maladie que lui. « C’est indispensable pour pouvoir prendre les bonnes décisions avec ses praticiens » raconte-t-il.
C’est à cette époque qu’il contacte Une Luciole dans la nuit. Il rencontre Evelyne Barbeau, sa présidente, et bénéficie de soins de support.
« Cela m’a fait beaucoup de bien d’échanger avec Evelyne, Maryse et les autres bénévoles des Lucioles qui sont formidables. Les femmes sont très engagées dans l’accompagnement contre le cancer. Elles sont très touchées, notamment au travers des cancers du sein et gynécologiques. Ce sont elles qui s’investissent le plus dans les associations. Les patients masculins se font plus discrets, c’est regrettable mais ça se comprend. C’est dommage et ça manque. Dans mon cas, il n’y avait pas aux Lucioles, de personne atteinte de mon cancer et j’avais vraiment besoin d’échanger sur ma maladie, de rencontrer des gens comme moi ».
Il découvre via Facebook le site « Mon réseau cancer du poumon ». Grâce à de nombreux échanges et participations à des conférences, il apprend l’existence de possibles essais cliniques pour les patients atteints de la même pathologie à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif près de Paris****.
La décision de participer à un essai clinique (en phase 2)
C’est lorsqu’il ne reste plus d’autres alternatives qu’une chimiothérapie palliative que Robert évoque avec son oncologue la possibilité d’entrer dans un essai clinique. Ce dernier l’encourage à suivre cette voie et prend rapidement contact avec l’Institut Gustave Roussy avec lequel il entretient de très bonnes relations. Dans le même temps, il suspend les traitements. En effet, un des critères d’inclusion dans cet essai clinique est de ne plus avoir de traces dans l’organisme des anciens traitements.
Le bon malade au bon moment
Participer à des essais cliniques, cela donne de nouvelles lueurs d’espoir. Mais il faut correspondre strictement aux critères d’inclusion et d’exclusion. « J’ai eu une chance incroyable », reconnait Robert « Je correspondais exactement au profil d’un nouvel essai clinique de phase 2 proposé par un laboratoire de recherche danois **. »
Robert explique que les essais de phase 1 correspondent le plus souvent à la première administration d’un médicament à l’homme afin de déterminer la posologie (après essais positifs sur les animaux). Les essais de phase 2 permettent d’évaluer, l’efficacité du nouveau traitement sur un groupe de patients présentant le même type de cancer.
« Dans mon cas, le laboratoire danois sélectionne 120 personnes dans le monde entier. La France dispose de 15 places dans 7 centres de cancérologie. Actuellement nous sommes deux patients suivis à Gustave Roussy. J’ai passé un mois de tests et d’examens médicaux pointus à l’Institut Gustave Roussy et j’ai finalement été retenu. » continue Robert.
Les essais cliniques : une « aventure » très encadrée
En 22 septembre 2023, Robert reçoit la première dose de cette nouvelle molécule, associée à une immunothérapie conventionnelle. Durant les deux premières cures, toutes les trois semaines, il se rend à l’Institut Gustave Roussy le vendredi et y retourne le lundi suivant pour des contrôles, puis tous les vendredis.
« Je suis bichonné : une attachée de recherche scientifique, une infirmière dédiée, une secrétaire et une équipe d’oncologues me suivent de près. J’ai à ma disposition un numéro de téléphone que je peux contacter 24h sur 24 et j’ai sur moi en permanence un document qui explique le protocole et la personne à contacter en cas de problème. L’intégralité du traitement est prise en charge par le laboratoire danois. »
Robert poursuit : « Mais d’ores et déjà les premiers résultats sont encourageants. Mes analyses de sang et mes constantes sont bonnes et le scanner de fin octobre montre que les lésions ont diminué. Je me sens en forme, je n’ai pas les effets secondaires de la chimio. »
Si le traitement fonctionne, Robert pourra bénéficier de la poursuite du traitement qui sera intégralement pris en charge par le laboratoire, au rythme d’une cure toutes les trois semaines, étant entendu qu’après le cap de quatre cures, il n’est plus nécessaire d’avoir de contrôle hebdomadaire, uniquement un scanner tous les deux mois.
« Depuis le début de la maladie je vis avec des échéances de vie à trois mois, pas plus. Je n’ai pas davantage de visibilité. Ce traitement pourrait tout changer et permettre de me projeter à deux ans. Ce serait formidable ! Nous avions en projet de déménager dans le Médoc près de Bordeaux. Mais avec la maladie, nous n’osions plus y penser. Là c’est de nouveau envisageable ! Et sur place l’Institut Bergonié de Bordeaux est apte à assurer la poursuite du traitement. »
Le parcours de Robert est un exemple inspirant de courage, de détermination et de foi en la recherche médicale. Sa décision de participer à un essai clinique en phase 2 représente un espoir renouvelé, non seulement pour lui-même, mais aussi pour la recherche médicale en général. « Quand il n’y a plus de traitement, c’est psychologiquement dur à supporter. Les essais cliniques donnent à nouveau la possibilité d’espérer. Mais en plus, se dire qu’on suit un traitement innovant qui pourra servir aux autres c’est vraiment génial, cela donne tout son sens à la démarche. » conclut Robert.
*Les cancer du poumon et ses traitements : https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-poumon/Quels-traitements/Traitements-et-etendue-du-cancer
**https://ichgcp.net/fr/clinical-trials-registry/NCT05117242
*** La chimiothérapie de confort, palliative ou de maintenance est non curative destinée à permettre une meilleure prise en charge de la douleur et améliorer la qualité de vie du patient.
****Le registre des essais cliniques : https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Le-registre-des-essais-cliniques/Le-registre-des-essais-cliniques