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Ruptures de médicaments et rumeurs

De plus en plus de rumeurs circulent, ici ou là, sur les réseaux sociaux ou les chaines d’informations, constatant des ruptures de stocks de différents médicaments, qui mettraient en danger des patients ou réduiraient les chances de guérison.

Les ruptures d’approvisionnement de médicaments constituent une véritable préoccupation de santé publique.

On parle de rupture d’approvisionnement de médicament lorsqu’une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur (monde hospitalier) est dans l’incapacité de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures. On parle de rupture de stock quand le produit n’est plus disponible chez l’exploitant.

Selon une étude UFC-Que choisir, en 2020, ce sont environ 2400 spécialités qui sont en rupture en France, soit 6 fois plus qu’en 2016. Les pharmaciens en font, hélas, leur quotidien.

Selon l’Ordre National des Pharmaciens, « Les causes des ruptures d’approvisionnement sont nombreuses et multifactorielles. Parmi les principales causes, on retrouve :

  • Les difficultés liées à la production : capacité de production insuffisante, retard de production, incapacité de production (manque de matières premières-responsable de 17% des ruptures selon l’ANSM-), usine détruite, défaut de qualité (suspension de l’activité d’un établissement, fabricant ou exploitant, à la suite d’inspections qui remettent en cause la qualité des médicaments…) ;
  • La mondialisation de la fabrication (une seule usine pour tous les pays) et de la demande ;
  • L’augmentation subite des ventes (recommandations d’utilisation d’un pays, report d’un médicament sur un autre…) ;
  • La libre circulation des biens et la distribution vers des pays à prix plus avantageux. »

Autrement dit, un grand nombre de médicaments dispensés sur le territoire français provient d’Asie, souvent la Chine ou L’Inde. L’industrie pharmaceutique internationale concentre ses usines, parfois une seule voire deux à l’échelle de la Planète pour un même médicament.

L’Industrie en général travaille en flux tendu, en évitant les stocks générateurs de coûts.

Même remarque pour les matières premières, essentiellement produites en Asie, sur peu de sites, étant donné l’extrême exigence de qualité et de surveillance drastique de leur impact écologique. Maintes usines fermées remplacées lentement sur d’autres sites.

Selon UFC Que choisir, 80 % du volume de principes actifs est fabriqué en dehors de l’Union européenne, contre 20 % il y a 30 ans.

Dans ces mêmes pays producteurs, la population, très nombreuse, et qui, jusqu’alors avait peu accès aux médicaments, y a désormais de plus en plus accès. Il faut s’en réjouir, mais se dire que la source étant à production limitée, elle n’est pas assez généreuse pour tous à l’heure actuelle.

Enfin, Selon la fédération France Assos Santé, “industriels et grossistes répartiteurs sont les principaux responsables de cette situation : stratégies financières contestables, exportation des stocks vers des pays qui paient mieux, désengagement sur certains médicaments ou trop forte concentration des sites de production font partie des causes identifiées de longue date”.

« Effectivement, les prix de vente fixés par l’État sont jugés peu attrayants par les laboratoires et leurs intermédiaires, dans la mesure où ils sont deux à trois fois moins chers que dans d’autres pays d’Europe ou d’Amérique. Une baisse des prix exigée par la Sécurité Sociale, qui souhaite avoir un taux de remboursement le plus faible possible. La France n’est donc pas distribuée de façon prioritaire par les laboratoires, qui préfèrent vendre en premier lieu à nos voisins. »

Ce sont souvent des médicaments anciens et peu onéreux qui manquent, alors que les médicaments « de pointe », très couteux, sont disponibles.

Les classes thérapeutiques les plus touchées seraient les anti-infectieux (dont les antibiotiques pour lesquels, en plus, la résistance bactérienne augmente de façon plus qu’inquiétante et que chacun « réclame », encore, un antibiotique pour son mal de gorge ou sa bronchite… dramatique !), les médicaments dermatologiques et les médicaments « Muscles et squelette » type anti-inflammatoires et anti rhumatismaux.

Ce n’est pas forcément réjouissant, la COVID l’a mis en lumière ; l’État, par la voix du Président envisagerait d’étudier avec les industriels une éventuelle relocalisation de l’offre nationale.

Ces éléments sont le cœur des préoccupations quotidiennes des pharmaciens, entre autres des pharmaciens hospitaliers, qui s’acharnent à ce que soient, jour après jour, fournis au bon patient, le ou les médicaments qui lui sont nécessaires.

Toute rupture est traitée, dès sa connaissance, par une commande d’un médicament similaire à un autre laboratoire, un dépannage avec un hôpital de grande taille, souvent détenteur d’une gamme très large de produits, un dialogue avec le médecin pour une prescription d’un produit différent mais adapté à chacun. Toutes les équipes de pharmacie « font les pieds au mur » pour que chacun soit traité sans délais. Tout est donc mis en œuvre pour qu’il n’y ait pas perte de chance, mais ce n’est pas une garantie absolue et ne le sera sans doute jamais.

C’est parfois l’information des ruptures qui n’est pas assez vite connue, même si l’Ordre National des Pharmaciens a créé un outil pour les repérer et permettre une réaction rapide.

Merci à Alain, pharmacien hospitalier qui a réalisé cet article.